dimanche 29 juillet 2012

une mémoire de Jean Laplace s j

Trésor d’Eglise, Jean Laplace, jésuite 1911 + 2006


Celui qui s’est éteint le 29 juillet dernier à Paris, donnait les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola depuis 1952, record de longévité, expérience communiquée sans jamais d’indiscrétion ni sur soi ni sur l’un quelconque des milliers de retraitants, visiteurs et pénitents. Tête-à-tête, enseignements (qu’il appelait des entretiens), homélies étaient marqués d’une sobriété ponctuelle, précise, plaçant instantanément au cœur du sujet sans sécheresse ni inachèvement pourtant.

Que transmettait ce Jésuite entré dans la Compagnie en dispense d’âge, silencieusement accompagné d’une bénédiction maternelle décisive qui lui a toujours procuré une intuition exceptionnelle pas seulement de l’âme féminine, mais du cœur des femmes ? donc de l’homme. La liberté, tout court. Pas de description du Dieu personnel, pas de commentaire particulièrement savant des Ecritures quoiqu’il ait été l’un des premiers collaborateurs de Sources chrétiennes en 1943 (Grégoire de Nysse, la création de l’homme) et qu’il ait presque réussi à faire vivre, en retraite de dix jours, l’Apocalypse, selon la dialectique des Exercices, car tout – de lui – était donné selon cette dialectique qu’on vêcut avec lui dix minutes ou trente jours… La liberté parce que Jean Laplace mettait en situation devant Dieu, et, qu’une fois ainsi, l’exercitant était, tout humainement et naturellement, dans la possibilité d’entrer en une étape suivante et définitive, autant qu’il est possible, la vie tout entière structurée, animée, mouvementée par l’Esprit, les Exercices vêcus étant devenus l’existence-même.

Or, cette liberté est nécessaire à nos générations et dans nos situations. Les religieux en ont spécialement besoin pour s’avouer à eux-mêmes et faire leur miel des âges difficiles de toute vie, chacun a son démon. Il simplifiait, décapait, rassurait sans doute (mais ce n’était pas le but), n’exigeait jamais mais situait : alors, en responsabilité de se nier ou de se reprendre, l’âme peut d’abord sourire. Les laïcs, en mal d’orientation, ou de repos, ou en passe dépressive et d’ennui, trouvaient avec lui le goût de la beauté, refaisaient la découverte d’être au milieu d’un monde compréhensible et intéressant. Pour chacun, la vie reprenait sa tension, du nerf.

Jean Laplace éloignait l’inquiétude, appelait la lucidité. Ses livres reflètent cette façon étonnante de tutoyer l’auditoire, fût-il neuf, de parler à la première personne, non de lui-même, mais en lieu et place du retraitant qui endosse alors le vêtement blanc des adorateurs. Car tout Jésuite est un contemplatif, et l’action était pour ce religieux qui n’était jamais devenu vieux, qui ne diminuait pas, qui recevait et écrivait à quatre-vingt-quinze ans comme à vingt-cinq, le moment de revenir à la simplicité, à l’essentiel. Très tranquillement. A l’imitation du Christ que donnent les évangiles, il faisait le calme. A nous de prier, grâce à lui, c’était devenu possible. Vrai, surtout. Une religieuse québécoise lui faisait observer, après avoir entendu Jean Paul II : comme il est intelligent, le Pape ! il parle comme vous… et Jean Laplace d’en rire encore, maintenant.

Dans ces derniers jours, le Père écrivait – j’étais de ceux qui l’avait supplié de donner cela aussi – l’expérience qu’il avait reçu de son ministère, les âmes quand elles se laissent envelopper par l’Esprit, que sont-elles ? comment sont-elles ? Ni indiscrétion ni impudeur. Pas non plus une redite de la méthode des Exercices (contrairement à la plupart des autres animateurs, surtout aujourd’hui, très peu de temps pour l’enseignement, presque tout pour la prière… et du repos). Situation de l’âme. A présent, il la sait. Jusques-là, il avait surtout écrit sur les voies et moyens, il s’était maintenant attelé à la divination d’un certain état, d’une sorte de résultat, exemples et souvenirs à l’appui : la biographie d’autrui quand l’essentiel devient l’occupation, l’expérience. Mais l’abondance des visites, plus aisées à lui rendre depuis qu’il avait quitté Clamart, pour la rue de Grenelle, l’empêchait de composer assez vite ; il n’en était pas inquiet. AMDG

Il y aura sans doute deux compilations à provoquer et mettre au net pour prolonger son ministère : la correspondance, manuscrite, était prompte, attentive, affectueuse, elle prenait acte, elle n’était pas direction mais confirmation ; les entretiens et homélies pendant les retraites ou sessions sont marqués par une communion voulue avec les participants : œuvre d’une certaine manière commune, attestant que c’est en Eglise que seulement s’ouvre le trésor. De l’Eglise, il était pétri, pas celle des têtes mitrées, disait-il souvent, même si tel prélat ou archevêque était de la partie, celle que nous formons tous. En ce sens, il a toute sa vie, dit la même chose. Le Christ, la chose de toute la Bible : il disait bien : chose.
Bertrand Fessard de Foucault . 1er VIII 2006


lire
La liberté dans l’Esprit, le guide spirituel – Châlet . Janvier 1995 . 232 pages
Une expérience dans la vie de l’Esprit, guide spirituel – Chalet Iris . Septembre 1986 . 160 pages
L’Esprit et l’Eglise, aux sources de la vie spirituelle – Desclée Bellarmin . Novembre 1987 . 192 pages
De la lumière à l’amour, retraite avec saint Jean – Desclée . Janvier 1984 . 269 pages
Discernement pour temps de crise, l’épître de Jean – Châlet . Septembre 1978 . 199 pages
La prière, désir et rencontre – Le Centurion . Novembre 1978 . 138 pages
La vie consacrée . Une existence transfigurée – Desclée de Brouwer . Septembre 2000 . 163 pages
La femme et la vie consacrée – Châlet . Septembre 1965 . 320 pages

entendre
cassettes enregistrées . Atelier du Carmel, L’Hermitage . F 14380 Saint-Sever

Aucun commentaire: